La fatigue est semble-t-il le symptôme le plus fréquemment rencontré dans la sep, celui qui nous est le plus commun (les sepiens qui ici ne l'ont jamais rencontrée, levez le doigt !). C'est également, et de loin, celui qui est le plus susceptible de nous contraindre à cesser de travailler : c'est donc un symptôme particulièrement handicapant, même si on ne le voit pas. Et comme il s'agit justement d'un symptôme invisible, il peut être fréquemment mal compris par l'entourage ou par l'employeur. Et pourtant ce qui la cause reste fort obscur, et ce n'est pas faute d'avoir cherché de mon côté.
En fait la fatigue se distingue assez nettement de tous les autres symptômes de la sep, en ce sens qu'elle n'est pas le résultat de l'atteinte d'une zone particulière du snc, mais serait plutôt un "dommage collatéral" de la démyélinisation et des efforts invisibles que celle-ci impose à l'organisme qui, donc, va se fatiguer plus vite. Elle se distingue également par le fait que son traitement symptomatique est particulièrement médiocre, la seule molécule qui ait démontré une vague efficacité, l'amantadine, étant semble-t-il actuellement en situation de pénurie, et par conséquent réservée à d'autres pathologies (grippe, Parkinson) où son efficacité est supérieure à celle qu'elle a sur la sep : autrement dit, ce symptôme pourtant le plus fréquent et parmi les plus handicapants, eh bien on est globalement incapable de le traiter. (J'avais été traité un temps sous amantadine à l'époque, mais ça me réussissait très moyennement).
Ce que j'ai trouvé de mieux à son sujet, ici : https://www.arsep.org/library/media/oth ... t-2017.pdf
En ce qui me concerne, je distingue nettement trois notions : celle de sommeil, ce qui fait dormir, et qui a priori n'a pas grand chose à voir avec la sep, sauf que dormir répare si bien que j'aime penser que c'est le meilleur médicament dont on dispose ; celle de fatigue physique ; et celle de fatigue nerveuse (on peut tout à fait être épuisé physiquement et/ou nerveusement, et être incapable de fermer l’œil de la nuit...). Pour les deux derniers cas, dont la cause peut donc être connectée à la maladie, cette fatigue se ressentirait (c'est d'ailleurs comme ça que je l'ai vécue en son temps) comme une incapacité à transformer en actes sa propre volonté. Je suppose également (sans certitude, mais l'explication est celle qui me convainc le mieux jusqu'ici) que la fatigue physique, ou plus précisément, ici, une fatigabilité physique exacerbée, est un élément déterminant dans la réduction graduelle du périmètre de marche à mesure que la maladie progresse : quand on sort du repos, on peut marcher, mais au bout d'un certain temps on en devient incapable.
Je ne pense pas avoir jamais été, de mon côté, sujet à cette fatigabilité physique, en revanche je me suis tapé pendant de longs mois une fatigue nerveuse très présente, qui m'a longtemps interdit d'effectuer des tâches intellectuelles pourtant simples, que jusque là j'arrivais à faire naturellement, sans y penser (je ne pouvais pas me concentrer plus de cinq minutes sur un problème sans en ressentir un épuisement qui m'empêchait réellement d'aller plus loin). Je plains celles et ceux qui, parmi nous, sont atteints par une telle forme de fatigue alors qu'ils n'ont pas encore fini leurs études. Je me demande accessoirement ce qui peut déterminer de quelle forme de fatigue on pourra être atteint, physique ou nerveuse, mais comme le dit l'article, la notion de fatigue est aussi commune dans la sep, que vague, subjective et fort mal connue : c'est pas gagné.
J'avais en fait "traité" cette fatigue nerveuse, sans être réellement conscient de ce que je faisais, par une activité qui était devenue beaucoup plus physique, et beaucoup moins intellectuelle : en arrivant à Londres à l'issue de ma quatrième poussée, écrasé par la fatigue nerveuse qu'elle avait provoquée, j'avais beaucoup jardiné, beaucoup randonné, j'avais bossé dans un restaurant, j'avais commencé à m'occuper de notre fils et du ménage, je ne parle pas du déménagement, etc., bref j'étais beaucoup plus fatigué physiquement qu'à l'habitude -- mais une "bonne" fatigue physique, que je ressentais clairement comme la conséquence directe de ces activités, et pas de la sep. J'étais d'ailleurs fort content de voir que j'étais encore bon à quelque chose. Ce faisant, j'avais de facto mis au repos mes capacités cognitives, qui étaient évidemment beaucoup moins sollicitées que du temps où je bossais (comme un c*n) à Paris et, cerise sur le gâteau, j'étais tellement bien crevé chaque soir que je dormais comme un bébé

Un dernier aspect serait donc l'efficacité du repos (je ne sais que trop bien combien il faut se méfier des causalités fantasmées dans la sep). Au XIXe siècle, c'est comme ça qu'étaient traitées les poussées de sep : au lit, du repos, et c'est d'ailleurs encore aujourd'hui une chose que recommandent volontiers les neurologues.
Cela vous inspire quoi ?
A bientôt,
Jean-Philippe.