Salut Sandrine, c'est gentil de passer nous voir
Si je me rappelle bien, quand tu étais venue ici c'était parce qu'à la Salpé, où tu venais de te faire diagnostiquer, ils voulaient absolument te coller sous traitement de cheval, pas moyen d'y échapper (alors que finalement, si), parce que ta forme de sep était décrite comme particulièrement agressive, avec un avenir sombre, tristement sombre. J'avais dû te répondre un truc du genre "ils sont bien gentils, ils oublient simplement la loi zéro de la sep, qui est que le pronostic individuel de chaque patient reste rigoureusement impossible". Tu continues ton suivi à la Salpé ?
Et donc, aujourd'hui, soit sept années plus tard, zéro traitement, zéro poussée, zéro nouvelle lésion. Ce que les toubibs appellent NEDA (no evidence of disease activity, pas de signe d'activité de la sep), qui est le Graal qu'ils recherchent... quand ils collent un patient sous traitement

. Sachant d'autre part que des poussées, en récurrente-rémittente, tu peux en avoir deux ou trois par an, avec une moyenne qui tournerait plutôt autour d'une tous les douze à dix-huit mois (en l'absence de traitement de fond, s'entend), on est d'accord que leurs sinistres oracles se sont bien plantés ?
Donc aujourd'hui, si je résume, tu dois avoir un EDSS de 1.0 (une hémiplégie laisse normalement quelques discrètes traces, mais qui resteront toujours visibles à l'examen neurologique), donc tu serais comme moi, "subnormale"

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Baronne a écrit :Sauf que… il y a une vieille lésion médullaire entre C3 et C5 qui fait flipper mon neurologue. Il me dit que si une poussée se déclenche à cet endroit, je pourrais garder des séquelles. Du coup, il me met la pression (gentiment, hein) pour que je prenne un traitement de fond.
Moui, en cas de poussée à cet endroit, tu pourrais éventuellement conserver des séquelles. Qui, en l'occurrence, se limiteraient à un signe de Lhermitte. Tu as dû déjà rencontrer ça, non, avec une lésion à cet endroit ? Pas de quoi casser trois pattes à un canard...
D'autre part, tu peux constater que sans traitement, la fréquence de tes poussées est très faible, pour ne pas dire nulle (d'ailleurs tiens, tu ne décris qu'un seul épisode clinique (apparition de symptômes), tu n'en as donc jamais eu d'autre ?). Or l'utilité essentielle du traitement de fond est de réduire
statistiquement la fréquence des poussées, pas de les empêcher totalement. Aucune utilité démontrée, en revanche, sur la qualité de ta récupération à la suite de la poussée qui n'aura pas pu être évitée ; aucune utilité démontrée non plus pour empêcher que cette poussée que le traitement n'aura pas pu éviter, vienne taper au même endroit qu'une poussée précédente (genre dans ton cas, au pif, ... entre C3 et C5).
Il me laisse le choix entre deux options :
Copaxone : 3 injections/semaine, plutôt bien toléré, peu d’effets secondaires mais ça reste un traitement à faire régulièrement.
Plegridy : 1 injection toutes les 2 semaines, mais avec un "combo grippal" après chaque piqûre (fièvre, courbatures, etc.)
Moué, du traitement de première ligne, parmi les moins puissants qu'on arrivera à trouver. Il faut savoir également qu'à mesure que tu prends de l'ancienneté dans la maladie, les poussées tendent à se raréfier, puis le plus souvent à disparaître totalement. Ah et aussi, un traitement est d'autant plus efficace qu'il est pris précocement dans le cours de la maladie. Ta phase "précoce" est terminée depuis un bon moment (ce qui, en l'absence de handicap résiduel, est une très bonne chose).
Quand la question de prendre un traitement de fond s'était posée pour moi, j'en étais à cinq ou six poussées en dix ans de sep et un peu moins de 8 ans depuis mon diagnostic. A peu près au même stade que toi, quoi, avec la poussée de mon diagnostic qui, comme pour toi, avait été particulièrement violente (elle m'avait offert un beau feu d'artifice sur le cervelet et le tronc cérébral : si ces zones devaient être touchées à nouveau, ça pouvait vraiment craindre). Sauf que ça faisait presque trois ans depuis ma dernière poussée, que je n'avais plus l'impression d'être malade du tout, et que le traitement ne faisait que ralentir la survenue de l'inéluctable, il ne l'empêchait en rien.
J'étais alors allé voir mon neuro historique, qui avec le temps était devenu le patron de la neuro à Rothschild, pour lui demander ce qu'il en pensait. Le moins que je puisse dire est qu'il ne m'avait pas incité (du tout) à initier un traitement de fond. J'avais parlé des tenants et aboutissants de sa décision dans un topic, je pourrais essayer de te retrouver ça si tu veux. Je l'avais revu pour la dernière fois en 2018 (pas vu d'autre neuro depuis), mon état était resté complètement stabilisé, bloqué sur "subnormal" donc

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Je sais bien que personne ne pourra décider à ma place, mais j’aimerais vraiment lire les témoignages de ceux qui ont choisi de ne pas prendre de traitement malgré une SEP rémittente, voire une lésion médullaire. Comment ça s’est passé ? Regrets ? Bonne pioche ?
Plus de trente ans dans le b*rdel, jamais été traité, aucun regret.
Il faut cependant que tu sois consciente de l'existence d'un deuxième effet kiss-cool dans la sep : la sep se manifeste sous deux formes distinctes, qui sont celle que tu connais, d'inflammations focales aiguës suivies de rémissions plus ou moins complètes ; et celle que tu ne connais pas encore, que tu ne connaîtras d'ailleurs peut-être jamais, qui consiste plutôt en une neurodégénérescence progressive, diffuse, tellement lente qu'elle ne commence à se ressentir qu'après une quinzaine d'années dans la maladie, et qui quand elle sera présente provoquera de loin l'essentiel du handicap que les sépiens accumuleront sur le long terme. En moyenne : pour certains ça sera plus tôt qu'une quinzaine d'années, mais pour d'autres ça n'arrivera jamais.
Il reste que parmi l'ensemble des traitements de fond actuels, aucun ne revendique la moindre efficacité contre cette composante neurodégénérative.
Je me dis souvent que la SEP, c’est comme un volcan. Ça peut dormir longtemps… mais ça n’empêche pas une éruption un jour. J’aimerais juste savoir si certains d’entre vous ont réussi à vivre "en paix" avec cette incertitude, sans traitement.
J'ai serré les fesses de mon diagnostic (1995) jusqu'à 2003, quand j'ai décliné le traitement : c'était dix ans après ma poussée inaugurale, j'étais en pleine forme, or être encore en pleine forme après dix ans de sep était à l'époque considéré comme un excellent indicateur d'une évolution bénigne sur le plus long terme.
Savoir vivre en paix avec l'incertitude est de toute façon indispensable, que tu sois touchée par la sep ou par rien du tout : l'incertitude est partout, de toute façon, dès la première rue à traverser par exemple. C'est imaginer que la prise d'un traitement pourrait t'apporter la moindre certitude, qui au contraire ne t'exposerait qu'aux pires désillusions...
A tout bientôt le plaisir de te lire et infiniment heureux d'avoir pu lire d'aussi bonnes nouvelles, après tout ce qu'on avait pu te raconter d'édifiant à la Salpé...
Jean-Philippe