Salut Léa,
Leicho a écrit :(J'avais hésité avec SEParatiste dans la publi initiale... héhé

)
Le terme consacré est "sépien", mais c'est vrai qu'il n'est certainement pas aussi sexy

. SEPourdefaux ?
Mais tout est étrange dans cette maladie, et dans la manière qu'ont les médecins de m'en parler. Est-ce que c'était une sorte de sujet tabou chez vous aussi ? C'est comme s'ils tournaient autour du pot pour ne pas la nommer, jusqu'au diagnostic ? A l'hôpital après ma ponction lombaire je voyais des neurologues avec littéralement des posters "LA SCLEROSE EN PLAQUE" dans leur bureau, sans que ceux-ci n'évoquent le sujet.
Depuis l'époque de mon diagnostic, où j'étais resté dans un certain brouillard du début à la fin des examens, il y a eu un changement majeur dans le monde, changement qui s'appelle internet (ça existait déjà à l'époque, mais c'était très sommaire). Aujourd'hui, si tu tapes "ponction lombaire" dans n'importe quel moteur de recherche, il ne te faut pas une minute pour voir apparaître les mots
sclérose en plaques... Les neuros ont dû composer avec tout ça.
Tiens, à propos du tabou de nommer la maladie pour les toubibs, je vais partir dans une looongue parenthèse en guise d'illustration.
J'avais fait toute ma partie diagnostique en octobre - novembre 1995, au service de médecine interne de l'hôpital Boucicaut (fermé depuis, services intégrés à Pompidou). Cet hôpital ne disposant pas de tous les outils diagnostiques, j'allais en ambulance faire certains examens dans d'autres hôpitaux de l'AP-HP : scanner à Lariboisière, PEV à Laënnec, IRM à Necker. A l'issue de l'IRM, il était tard, j'étais le dernier patient, j'attendais les ambulanciers qui devaient me ramener à Boucicaut, l'infirmière pressée de rentrer chez elle me remet mon dossier médical, "tenez, il faudra que vous donniez ça aux ambulanciers". Evidemment, une fois qu'elle a eu tourné les talons je l'ai ouvert

(tu aurais fait quoi, toi

?), ce qui m'a à peine laissé le temps de lire les résultats du scanner du premier jour avant qu'une autre infirmière, en panique, ne me l'arrache des mains : "forte suspicion de sep".
Essayer de trouver ce que pouvait bien vouloir dire "sep" avec l'internet qu'on avait à l'époque, laisse tomber, ça te renvoyait systématiquement à
ça.
Arrive enfin un moment où Boucicaut, ayant fini tous ses examens, m'envoie aux admissions pour mon check-out ("vous allez mieux" -- certes --, "ce que vous avez est neurologique et nous, notre spécialité ce n'est pas la neurologie, alors on vous envoie à la Salpêtrière, eux ce sont des bons, ils sauront vous dire ce que vous avez". Bon. Je passe aux admissions, je règle mon ticket modérateur et, au moment où je tourne les talons, la dame du guichet s'exclame : "ah mais attendez, partez pas si vite, vous aurez aussi besoin de ça !" Et elle me tend... un formulaire de demande d'ALD. Je retourne dans la cour intérieure de Boucicaut (il fait beau ce jour-là, pour la première fois depuis longtemps : je ne suis pas pressé, autant profiter du soleil) pour essayer de déchiffrer le truc. Au verso du formulaire il y a la liste des affections concernées, ... et une seule qui a pour initiales "SEP". Limite trop facile, leur truc

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Je n'ai pas le temps d'avaler l'information que je tombe sur la cheffe du service de médecine interne, toujours dans cette cour intérieure, toujours avec le formulaire d'ALD entre les mains : "alors ça y est, vous nous quittez ?" Heu oui, mais je regrette juste que vous n'ayez pas trouvé ce que j'avais ? "on sait juste que ce que vous avez est neurologique, c'est pour ça qu'on vous envoie à la Salpêtrière" (1). Je lui montre le formulaire : dites, on vient de me remettre ça ? "oh faut pas vous en inquiéter, c'est juste pour de l'administratif". Mébiensûr

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Une semaine ou deux après, je me retrouve assis devant Gout pour ma toute première consultation avec lui. Il prend le temps de lire mon dossier devant moi, émet deux ou trois "hmmm" énigmatiques au cours de sa lecture, une fois qu'il a fini il se racle la gorge, il laisse le temps à un ange de passer, avant enfin de me regarder et de me demander : "vous a-t-on déjà parlé de sclérose en plaques ?"
Et moi, comme un con, je lui réponds "non" avec un large sourire. "Non" parce que techniquement, personne ne m'en avait parlé (à question précise, réponse précise) (1), le large sourire pour l'inciter à en dire plus. Perdu : re-batterie d'examens, enfin au moins il m'aura épargné une troisième ponction lombaire, et ce n'est que quelques semaines plus tard que j'ai finalement droit à un diagnostic en bonne et due forme -- même si dès la cour intérieure de Boucicaut, il ne faisait plus guère de doute dans mon esprit.
(1) j'ai évidemment envisagé, dans chacune de ces deux situations, de mettre les pieds dans le plat, mais le risque que ça fasse des histoires à l'infirmière de Necker à qui je devais d'avoir pu consulter mon dossier, m'en a dissuadé. Cafter, c'est pas bien.
Une fois mon diagnostic "officiel" obtenu, j'avais écrit une lettre à la cheffe du service de médecine interne de Boucicaut, pour la remercier de la façon dont elle s'était occupée de moi, lui demander de transmettre ces remerciements à tout son service et en particulier aux infirmières et, accessoirement, lui dire que j'aurais tout de même préféré que ce soit elle qui m'annonce le diagnostic. Elle m'avait répondu très gentiment, je vais la faire brève, que l'idée que ce soit elle qui annonce un tel diagnostic était un no-go, qu'elle avait des règles à respecter. Je me demande effectivement dans quelle mesure un diagnostic de sep ne peut être donné que par un neurologue, et uniquement une fois le diagnostic différentiel (qui consiste à éliminer, une à une et il y en a, toutes les autres possibilités) terminé, donc considère ça comme ma tentative de réponse

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Je pense que dans mon cas ils ne sont pas sûrs à 100% de leur diagnostic - n'ayant eu pour l'instant qu'une seule poussée et finalement peu de lésions du système nerveux. Quand j'ai demandé à ma neurologue à quel point ils étaient sûrs du diagnostic, celle-ci m'a répondu que j'en cochais toutes les cases, mais que certaines personnes ne font qu'une poussée de toute leur vie etc etc et donc qu'on "avance à tâtons". Elle m'a proposé d'attendre une prochaine IRM dans quelques mois pour envisager un traitement, ce que j'ai accepté.
Les critères pour diagnostiquer une sep sont de moins en moins stricts, je suis par exemple récemment tombé sur un article très sérieux qui affirme que la dissémination dans le temps (la plus laborieuse à démontrer, et celle dont tu mets en doute l'existence quand tu relèves que tu n'as connu qu'une seule poussée) était désormais démontrée à partir du moment où la dissémination dans l'espace était présente : "deux lésions ne pouvant survenir au même moment, s'il y a deux lésions alors il y a dissémination dans le temps". Ca me laisse perplexe, mébon, c'est un neurologue qui n'hésite pas à écrire ça et à le signer...
Je trouve qu'il en ressort que plus tu adoptais un mode de vie en phase avec toi-même, plus les poussées se faisaient distantes. Le corps, l'esprit, tout ça hein.
J'aimerais pouvoir me dire ça, parce qu'à ce moment la chose serait reproductible sur d'autres. Or elle ne l'est pas : elle ne l'a en tout cas jamais été, ce n'est certainement pas par manque de "praticiens" pour en faire la promotion, et un "remède" qui ne "fonctionne" que sur une infime minorité de patients n'a aucune valeur.
On est un peu dans la même problématique que pour les traitements qui ont pignon sur rue : la sep de chacun suivant un chemin différent et étant imprévisible ("
autant de sep que de sépiens"), je ne comprends toujours pas au nom de quoi on se permet d'affirmer que tel traitement est efficace, ou au contraire ne l'est pas, dans le cas particulier de tel patient auquel on l'administre :
rien ne prouve que l'évolution du patient aurait été la même, voire même pourquoi pas meilleure, avec un autre traitement, voire sans traitement du tout (afin d'être bien clair : rien ne prouve le contraire non plus, hein

). On n'arrive à démontrer une efficacité que
statistique (celle-ci est irréfutable) aux traitements (du type : sur deux groupes de 100 patients, le groupe qui reçoit le traitement s'en sort globalement mieux que le groupe qui n'en reçoit pas), mais pour ce qui est de l'efficacité individuelle on n'y arrive qu'avec un recours tellement massif aux tours de passe-passe statistiques, que ça en devient risible. Le pronostic de la sep d'un patient en particulier étant réputé impossible, tu imagines les pirouettes nécessaires pour affirmer que tel traitement est efficace, ou ne l'est pas, dans son cas ?
Cela dit, je ne peux que recommander à chacun d'adopter un mode de vie en phase avec soi-même : ça ne guérira peut-être pas de la sep, mais ça ne fera jamais de mal.
Ma lourde fatigue a commencé quelques mois avant mon impatriation, mon retour en France après 5 années passées à l'étranger.
Tu revenais de quel pays ?
J'ai lu quelque part en googlant à droit à gauche qu'un homéopathe attribue aux sclérosés en plaques un point commun : celui de ne pas vivre leur vraie vie, mais d'en être d'une certaine manière "à côté". Je m'étais dit sur le coup que probablement la majorité des non-SEP pouvait se retrouver dans cette définition mais il y a peut-être du bon à prendre... Peut-être que mon corps essaie de me faire passer un message, message dont mon esprit est au courant depuis toujours : pour une raison que j'ignore je ne me sens pas à ma place dans ma propre vie. Je songe très sérieusement à aller frapper à la porte d'un/e psy

Cela ressemble furieusement à quelque chose qui est plus connu, en manipulation d'un auditoire, sous le nom d'
effet Barnum (ou effet puits, ou effet Forer ; je t'invite fermement à aller lire le lien). Sans être avertie, tu as su très vite déceler le début de manipulation : "probablement la majorité des non-sep peuvent se retrouver dans cette définition". Bah voilà, précisément

.
Le hic est que ce ne sont pas forcément des personnes au dessus de tout soupçon qui vont avoir recours à l'effet Barnum. En général, il s'agirait plutôt de personnes qui vont essayer de tirer quelque chose de toi, pour leur seul intérêt personnel. En être conscient est un bon début... Je précise donc ma phrase de tout à l'heure : ça ne guérira peut-être pas de la sep, mais ça ne fera jamais de mal... à condition de faire ce chemin uniquement par toi-même et de ne jamais tomber sous l'influence d'un quelconque gourou (ou assimilé).
A bientôt,
JP.