Salut "Caribou",
Tu es dans une période où ta barque se trouve prise dans des rapides tourbillonnants, ou beaucoup de choses que tu considérais jusqu'ici comme certaines se trouvent remises en cause, et où tu as du mal à retrouver des repères. Je te rassure tout de suite : ça finira par se calmer.
Parmi ces remises en cause se trouve celle que tu devras, ou non, prendre un traitement. J'annonce la couleur : j'ai cinquante ans, j'ai passé maintenant plus de la moitié de ma vie avec la sep, et je ne prends, ni n'ai jamais pris, aucun traitement de fond. Il se trouve cependant qu'après des débuts tumultueux (je parlais de rapides tourbillonnants un peu plus haut...), ma sep me laisse tranquille depuis un paquet d'années. Selon mon neuro parisien, que je considère comme la crème de la crème, qui m'a toujours laissé le choix entre traitement ou pas de traitement et qui a toujours, c'est à dire depuis que je le connais : plus de vingt ans, été particulièrement circonspect vis à vis de ces traitements, je suis son premier patient depuis plus de dix ans, à ne prendre aucun traitement. Ce qui a été la principale motivation de cette démarche est une des raisons que tu donnes à ton propre choix : j'aurais eu beaucoup plus conscience, au quotidien, de ma maladie, si j'avais été sous traitement de fond, que sans.
Oui, je tourne autour du pot. Pourquoi ? Parce que je n'arrive pas à déterminer, dans tes motivations, celles qu'on pourrait associer à un éventuel déni de la maladie (phase normale, prévisible, mais transitoire, dans la période où tu te trouves), et celles qui sont le fruit d'une vraie réflexion "de fond". Au fait, tu ne le sais pas non plus toi-même, car il est encore trop tôt

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La sep reste une maladie incurable : en supposant que tu aies effectivement la sep, aucun des traitements actuels que tu pourras prendre n'aura donc pour effet de te guérir. Leur effet essentiel sera d'augmenter un peu (d'environ un tiers, en moyenne, mais variable d'un patient à l'autre) l'intervalle qui sépare deux poussées. Ils auront également pour effet d'atténuer, assez souvent de façon impressionnante, les lésions visibles à l'IRM. L'ampleur des lésions ne donne cependant aucune information sur l'état de santé du patient au moment où les images sont prises, ni encore moins sur ce que sera son évolution future : emplâtre, jambe de bois... Enfin, certains symptômes pouvant s'installer à demeure à la suite d'une poussée, les traitements auront également une certaine efficacité pour retarder la progression du handicap éventuel pendant les premières années de la maladie. Pas de beaucoup hein, juste des quelques mois de gagnés avant l'arrivée de la poussée suivante : espacer les poussées ne signifie pas les supprimer (beaucoup de patients sous traitement ressentiraient une certaine déception à l'arrivée de la première poussée qui suit le début de leur traitement).
D'autre part, les effets avérés des traitements ont été mesurés statistiquement : ce n'est pas parce qu'ils sont vérifiés en général, qu'ils seront vérifiés dans le cas de tel ou tel patient. Il n'est pas rare de rencontrer des patients qui, sans traitement, ont des poussées plus espacées que d'autres patients qui sont sous traitement ; simplement, en général, un patient sous traitement aura un temps moyen entre deux poussées, supérieur à celui d'un patient sans traitement. Enfin, les traitements de fond n'ont aucune efficacité sur le pronostic à long terme : si tu es diagnostiquée sep aujourd'hui et que tu suis immédiatement et à la lettre un traitement qui s'avère très efficace dans ton cas particulier, tout porte à croire (études épidémiologiques notamment) que ton état de santé et en particulier ton niveau de handicap (edss) dans vingt ou trente ans ne sera pas meilleur que ce qu'il aurait été si tu n'avais suivi aucun traitement pendant tout ce temps. Tu auras fait moins de poussées pendant la période, ce qui est déjà ça de pris, mais sur la ligne d'arrivée, tu seras dans le même état.
Ca ne donne pas envie de débuter un traitement, tout ça, si

? Dans ton cas particulier, il y a toutefois un argument qui plaide en faveur de la prise d'un traitement dès maintenant : comme je te le disais plus haut, les traitements espacent les poussées. Or on a observé que plus le temps qui séparait les deux premières poussées était grand, moins la maladie était susceptible d'être agressive sur le long terme (observation statistique une fois de plus). On n'est pas bien sûr que ce qui a été, en l'occurrence, observé sur une évolution naturelle de la maladie, autorise une extrapolation sur une évolution qui serait cette fois-ci forcée par la prise d'un traitement, mais je dirais que ça ne mange pas de pain de toute façon, et les quelques études qui commencent à tomber sur la question sont plutôt favorables.
Or pour l'instant, à supposer une fois de plus que ton diagnostic de sep soit confirmé, tu n'en es qu'à ta première poussée, et l'argument ci-dessus n'est valable que pour le temps qui sépare les deux premières poussées, absolument pas pour les suivantes : ton choix est donc fort délicat.
J'essaye de me mettre à ta place, je pense que j'essaierais peut-être de discuter avec le neuro, voir s'il y a justement moyen de mettre en place un traitement maintenant, puis de l'arrêter à la suite de l'éventuelle deuxième poussée... Je n'en suis pas certain, parce que je regarde la maladie à l'aune de l'expérience que j'ai de
ma sep, or on sait tous qu'il y a autant de sep différentes qu'il y a de patients : se mettre à la place d'un autre patient est dans ces conditions une démarche bien aléatoire...
A bientôt !
Jean-Philippe.