Salut Claire, sois la bienvenue parmi nous !
claire1103 a écrit :Névrite optique depuis presque deux mois, malgré 5 bolus de corticoïdes et 5 échanges plasmatiques.
Aucune amélioration depuis, mon oeil gauche reste dans le flou total, et avec la luminosité du soleil c'est encore pire avant ou sans lunettes de soleil.
Tu as quel âge, tu es soignée à quel endroit exactement (l'Alsace, c'est grand

) ?
Tu es toute nouvelle avec notre colocataire commune, probablement trop nouvelle encore pour avoir pleinement pris tes marques avec elle. Il va donc falloir qu'on t'explique deux ou trois bricoles

.
Je t'inviterais bien, pour commencer, pour te sentir moins seule, à aller lire
ce topic d'une intervenante régulière de ce forum, Maglight, dont la sep s'est déclarée elle aussi sous la forme d'une NORB (le petit nom qu'on donne à la névrite optique) : elle était quasi-aveugle d'un œil, sept ans après elle se porte comme un charme. Tu as également pu lire l'intervention de Linette, qui allait dans le même sens. Son témoignage, comme celui de Linette, comme également le mien (j'ai moi aussi eu ma NORB, il y a longtemps), vont tous dans le même sens : la NORB, c'est ce qui demande de loin, de très loin, le plus de temps pour se remettre. Mais en général, on finit par s'en remettre.
La sep est une maladie au très long cours, dont le pronostic reste réputé imprévisible : ce n'est pas parce que tu démarres une sep sur les chapeaux de roue qu'elle aura une évolution rapidement invalidante, et vice-versa. Ce n'est pas non plus parce que tes IRM montrent plein de lésions que tu peux en déduire quoi que ce soit sur ce que sera ton évolution future. Il y a d'ailleurs un terme pour ça, les chercheurs parlent de "paradoxe clinico-radiologique" : ce qu'on voit à l'IRM (radio) n'est que médiocrement corrélé à l'état de santé réel du patient (clinique) -- je suggère donc que tu évites de trop t'inquiéter à ce sujet, ça ne servirait à rien. Epée de Damoclès donc, avec un champ des possibles pour un patient en particulier (toi, moi), au moment du diagnostic, qui est incroyablement vaste, de l'évolution la plus bénigne à la plus sévère. Un seul point commun : son imprévisibilité.
Le plus souvent (85% des cas, 6 cas sur 7 quoi), la sep débute par une forme dite "récurrente-rémittente" (R/R pour les intimes), qui se manifeste par des périodes de
poussées, suivies de
rémissions plus ou moins complètes (ou plus ou moins partielles, selon que tu préfères voir le verre à moitié plein ou à moitié vide). Une poussée consiste en l'apparition rapide (en quelques heures) de nouveaux symptômes neurologiques, ou en la réactivation de symptômes déjà rencontrés lors d'un précédent épisode,
en l'absence de fièvre ; elle doit être espacée d'
au moins un mois de la poussée précédente pour qu'on considère avoir affaire à deux épisodes distincts (cette durée d'un mois est certes un peu arbitraire, mais il fallait bien en choisir une). Une poussée peut s'exprimer par un seul symptôme (monosymptomatique), quelques-uns (paucisymptomatique) ou une ch*ée (plurisymptomatiques), ce qui fait qu'il est difficile d'affirmer que tes symptômes actuels de douleur, de spasticité, de vertiges seraient à inclure dans la même poussée que ta NORB, ou plutôt dans une nouvelle poussée.
Il semble raisonnable de supposer que tu as effectivement été diagnostiquée d'une forme R/R, notamment du fait qu'on t'ait proposé un traitement de fond : ces traitements de fond sont, dans l'ensemble, surtout efficaces sur les formes R/R. On peut cependant envisager que certains neurologues puissent prescrire l'ofatumumab (Kesimpta) hors AMM dans certains cas particuliers de formes primaires progressives (PP

), l'ofatumumab étant relativement proche de l'ocrelizumab (Ocrevus) qui est parfois utilisé dans ces conditions, mais ça n'est pas ce qui me semble le plus probable : a priori, la mise en route d'un traitement de fond indiquerait plutôt que c'est d'une forme R/R que ta neurologue pense que tu es atteinte. En outre, une forme primaire progressive ne peut pas se diagnostiquer en un claquement de doigts, il faut pour cela un long suivi neurologique (un an, par là) qui montrerait une dégradation lente, non imputable à quelque épisode inflammatoire.
Comme l'a déjà remarqué Lélé, l'efficacité des traitements de fond, comme le Kesimpta, ne vise
en rien l'amélioration des symptômes existants : son but est de réduire la probabilité de survenue de nouveaux épisodes (poussées), comme ta névrite optique en a été un. On suppose que réduire le nombre de poussées aura un impact positif sur l'évolution à long terme de la pathologie, c'est pourquoi on parle de traitements "de fond".
En fait, avec la sep, tu as trois grandes familles de traitements :
- le traitement de la poussée, c'est ce que tu as reçu à la suite de ta NORB. Il existe deux variantes principales pour ce traitement de la poussée, auxquelles tu as d'ailleurs toutes deux goûtées : les corticostéroïdes (bolus de Solumedrol) sont largement privilégiés. Uniquement en cas d'échec, on essayera la plasmaphérèse. La notion d'échec est toutefois, ici, fort vague : la seule efficacité reconnue de ces traitements est de réduire la durée de la poussée, et donc d'accélérer la venue de la rémission -- ils n'ont en revanche aucune efficacité démontrée sur la qualité de la rémission (= comment tu vas récupérer de ta poussée) : au bout de quelques semaines ou quelques mois, le verre sera aussi plein, ou aussi vide, que tu aies traité ta poussée, ou pas du tout. Si les symptômes d'une poussée sont peu invalidants, il est donc tout à fait pertinent de ne pas chercher à la traiter, du tout (les corticostéroïdes, c'est pas top pour la santé...) ;
- les traitements symptomatiques, qui visent avec plus ou moins de bonheur à atténuer l'intensité des symptômes que tu peux ressentir. Comme, selon la fonction nerveuse atteinte, ces symptômes pourront être d'une très, très grande diversité, je ne vais même pas essayer d'en dresser la liste ici

;
- et enfin les traitements de fond : voir plus haut.
Je vais démarrer mon traitement de fond dans 10 jours (Kesimpta), pensez-vous que le traitement pourra peut être aider ? Est-ce que mes lymphocytes continuent d'attaquer ce nerf optique, ou est-ce que je ne remyelinise simplement pas ?
Donc non, le traitement de fond n'aidera en rien la qualité de la rémission. Pour cela, rien de tel que la capacité de ton organisme à se réparer de lui-même : tu dois réellement croire en cette capacité. Le traitement de fond freinera l'apparition de nouveaux épisodes, plutôt efficacement dans le cas du Kesimpta, ce qui est déjà pas mal.
A priori, vu que ta NORB a commencé en mars, tes lymphocytes devraient avoir cessé d'attaquer le nerf optique, depuis le temps (pas encore totalement certain, mais tout de même très probable). Après, la rémission ne vient pas que de la remyélinisation. Cette remyélinisation est un processus de longue haleine : plusieurs mois, voire plusieurs années. En parallèle, la seule fin de l'inflammation suffit à apporter une amélioration beaucoup plus rapide. Toutefois, dans le cas particulier de la NORB, je pense qu'on est beaucoup plus sensible aux symptômes que quand la sep s'attaque à une autre fonction nerveuse, ce qui pourrait expliquer pourquoi la rémission d'une NORB semble toujours beaucoup plus longue que pour à peu près toutes les autres atteintes possibles ; pour la plupart des autres symptômes, en début de pathologie en tout cas, il est fréquent que la fin de l'inflammation suffise à les faire (presque) disparaître au bout de quelques semaines, la remyélinisation pouvant ensuite transformer ce (presque) en (totalement), mais on n'est plus sur la même échelle de temps.
Tu as une nouvelle colocataire que tu n'attendais pas, et tu vas désormais devoir vivre avec : ça, tu n'as pas d'autre choix que l'accepter. Avec le temps, tu apprendras à la connaître, à dialoguer avec elle. Ca n'est certes pas simple, mais ça pourra te rendre la coexistence plus facile...
Courage, donc, rien n'est joué, et à bientôt j'espère le plaisir de te lire,
Jean-Philippe.