Bonjour,
Puisque le débat repart vers la nourriture et plus généralement, l'hygiène de vie, je voudrais donner une anecdote que je trouve très significative, et qui m'a pourri la vie pendant un moment même si elle ne me concernait pas directement.
Certains d'entre vous savent que j'ai mon fils aîné qui est parti étudier au Canada (Montréal), entre ses dix-huit et ses vingt-trois ans. Son départ signifiait entre autres que nous, ses parents, ne pouvions ni lui apporter un secours immédiat en cas de nécessité, ni surveiller de près ce qu'il faisait (nous ne le voyions que deux semaines à Noël et deux mois pour les vacances d'été), et qu'il fallait donc qu'il se montre suffisamment responsable sur un ensemble de points importants : les études évidemment, mais également l'hygiène de vie et la nourriture.
Ses deux dernières années d'études, il a fait part de troubles de santé de plus en plus présents et croissants, qui l'ont pendant ses vacances de Noël 2017 (il était donc chez nous) conduit dans un premier temps aux urgences hospitalières, puis en cardiologie au CHUV (il a d'ailleurs passé le nouvel an 2017 - 2018 avec un holter, ça lui a fait les pieds

). Quand il est définitivement revenu en juin dernier, la situation ne s'était pas améliorée et la liste des troubles dont il disait souffrir était un vrai inventaire à la Prévert, il était par ailleurs décharné (son IMC était clairement insuffisant) et fort pâle. Il a passé quelques séances chez notre généraliste de famille

.
Depuis son retour, c'est moi qui m'occupe de le nourrir... le soir, parce que le midi il avale volontiers de la merde de traiteur dix fois trop salée et sans l'ombre d'une fibre végétale, à côté de son bureau de Genève. Le fait qu'il travaille lui impose tout de même une hygiène de vie : se coucher à une heure raisonnable, ne pas passer ses soirées devant un écran (quand on a déjà passé la journée dessus, ça va bien...), etc. Aucun diagnostic n'a jamais pu lui être posé par quelque médecin que ce soit : selon la médecine traditionnelle, à part qu'il n'était manifestement pas du tout en pleine forme et que son IMC était en dessous du seuil de "bonne santé", il n'avait rien. Et puisque pas de diagnostic, pas de traitement non plus : le seul traitement qu'il a reçu fut finalement une nourriture aux antipodes de la junk dont il se nourrissait à Montréal (je me lamentais de combien il était bête : là bas en saison le homard coûte que dalle, on peut s'en faire une orgie pour le prix d'un Subway ou d'un Wendy's, il suffit de savoir faire bouillir de l'eau avec du court-bouillon et je jugeais que c'était à sa portée), ainsi qu'une meilleure hygiène de vie. Aujourd'hui, il semble parfaitement tiré d'affaire, mais ça nous aura pris tout de même quelques mois pendant lesquels il nous aura causé beaucoup de tracas.
Il n'était pas conscient qu'il s'empoisonnait. Maintenant il l'est, ce qui fait que s'il devait recommencer aujourd'hui à partir en couille dans son alimentation, je ferais sans doute preuve d'une certaine intolérance vis-à-vis de son comportement.
Car oui, au fait, puisqu'il est également question de tolérance, de jugement et de différence, je pense que le problème n'est pas posé de la bonne façon. C'est d'ailleurs un sujet assez bateau de colle de philo, tellement trivial qu'on n'ose plus le soumettre au grand oral de l'ENA : "doit-on tolérer l'intolérance ?" Tout tient en fait dans la personnalisation et la généralisation : dire "je ne tolère pas" suivi de la fraction de la population de votre choix (les musulmans, les fonctionnaires, les Anglais, etc.), est une forme d'intolérance. Dire "je ne tolère pas" suivi du comportement condamnable de votre choix (le terrorisme, le meurtre, le viol, la corruption, enfin on a l'embarras du choix) est une autre forme d'intolérance. J'espère que tout le monde arrive à peu près à faire la distinction entre les deux, la première est une intolérance condamnable, alors que la seconde est une intolérance justifiée. Il est aussi illégitime de porter un jugement sur telle ou telle fraction de la population au seul motif de race, religion, etc., qu'il est légitime de porter un jugement sur un comportement, sans considération de qui s'y livre.
Dans le cas de mon fiston donc, s'il retombait dans le travers de se nourrir en dépit du bon sens, il entendrait parler du pays. Pourquoi ? Parce que désormais, il
sait.
Je tiens à préciser que ce que je cuisine est très loin de ce qui pourrait être vu comme un quelconque intégrisme : j'utilise sans pudeur ni excès de la farine, du lait (entier frais de surcroît), de la viande, du sucre, des matières grasses saturées (beurre, crèmes, fromages, charcuteries), et je sale même (certes
très modérément) mes plats. Pas du tout du tout des menus de régime. Mais des menus équilibrés, que je prépare à partir de produits frais et bruts : "il faut manger de tout, un peu". Mes gamins ont même droit à Macdo +/- une fois par mois car je suis faible, mais je vous garantis que dans ces cas-là, je jeûne

. Le jeûne est très bon pour la santé, d'ailleurs, mais c'est une autre histoire.
A bientôt,
Jean-Philippe